Au Louvre, j’aime Les animaux fantastiques. Certains me reprocheront de voguer un peu facilement sur un succès cinématographique du moment avec un tel titre. N’y voyez pas malice, sur le flot des enfants qui chercheront sur les internets des informations à propos du dernier film de sorciers, un ou deux, auront envie d’aller voir au Musée du Louvre les animaux fantastiques proposés. C’est ma façon de contribuer à la promotion du musée auprès de la jeunesse.
Peindre une vierge en pleurs ce n’est pas si compliqué pour un artiste. Soit il dispose d’un excellent modèle (je précise que la virginité du modèle n’est pas nécessaire mais que l’oignon est conseillé pour les larmes), soit il dispose d’une excellente mémoire. Pour peindre un radeau à la dérive, il suffit d’emprunter à l’institut médico-légal quelques cadavres et de disposer des poutres. Pour peindre une femme élastique il suffit de venir de Montauban. Attention, cette présentation moqueuse n’ôte rien au talent propre des artistes pour le rendu, la touche, l’âme, la sensibilité qu’ils transmettent à leur œuvre. A charge pour les artistes de placer dans l’œuvre leur fougue, leur délicatesse, leur envie, leur religiosité, bref leur art. A ce stade, l’artiste n’est qu’un passeur qui met en formes et en couleurs. L’artiste est avant tout un œil qui traduit à sa manière des personnages, des animaux, des situations, des lieux.
Quand un artiste veut faire preuve d’originalité le créneau est finalement assez étroit. Il doit prendre en compte les attentes de son commanditaire, éviter la censure, l’Inquisition, le politiquement incorrect (cochez la case correspondante à votre époque). La marge de manœuvre est tellement mince, qu’il ne dispose finalement que de l’arrière-plan de son tableau pour laisser son esprit divaguer. Il pourra tout à loisir garnir sa toile de villes imaginaires et croquignolesques ou de végétations anachroniques et luxuriantes. Cependant il y aura toujours un blogueur à la con, des siècles après, pour rallier ces prises de liberté. Étonnez-vous ensuite que Jacques-Louis David tapisse ses fonds de toiles de gruau maronnasse.
Les seules libertés vraiment laissées à l’artiste concernent ce qui n’est pas humain, l’inhumain, le non-humain, le fantastique. Si vous peignez une poule avec des dents ou des poils ou des réacteurs sous les ailes, vous aurez toujours un malin pour vous expliquer que vous ne connaissez pas votre boulot qu’une poule n’est pas ainsi faite et que tout artiste que vous êtes, vous faites horreur à l’art poulesque, vouant d’un même geste aux gémonies et aux gallinacés vos œuvres. Alors qu’un faune, qu’un dragon, qu’une gorgone ! Qui va bien pouvoir venir vous prendre la tête ? Qui viendra vous embêter parce que votre géant ne ressemble pas à un vrai géant ? Personne ! Et si t’es pas content et bien montre-moi une vraie licorne et après on comparera !
Notez en plus que dans les temps anciens nous n’avions pas les Illuminatis pour justifier tout et n’importe quoi, ceci explique certainement la raison pour laquelle les œuvres regorgent de ces étrangetés, de ces animaux fantastiques. Voici donc mon bestiaire au Musée du Louvre croisé avec la base de données de la SPAF (Société Protectrice des Animaux Fantastiques).
Que vous soyez égyptiens, mésopotamiens, Mithra fan boy, les tous premiers animaux fantastiques ont, avant toute chose, un physique fortement humain. Ils semblent juste coiffés d’un masque à la manière des gardiens de Fort Boyard.

Loth et sa famille quittant Sodome, conduits par des anges ou La Fuite de Loth de Petrus Paulus Rubens
Mais rassurez-vous car dans un second temps, nos animaux fantastiques ou fantastiká zóa (φανταστικά ζώα) puisqu’ils sont grecs conservent une apparence humaine très poussée. Du dauphin au centaure, en passant par la sirène, tous possèdent des caractéristiques humanoïdes très marquées. La spécificité fantastique ne se fait plus uniquement sur la tête, c’est une large partie du corps qui est concernée mais l’on retrouve dans ces créatures des morphologies d’humains. L’animal fantastique au Musée du Louvre c’est avant tout la meilleure façon de présenter l’animalité humaine. La bête qui sommeille en chaque personne.
Et je dois m’arrêter un instant sur le plus présent et le plus significatif de ces animaux fantastiques dans le musée : Pan, ou le faune puisque les caractéristiques sont assez communes. Des jambes velues qui se terminent en pieds de bouc, un buste d’homme et une tête chevelue souvent surmontée d’une paire de cornes et terminée d’une barbichette pour rappeler le caprin initial. Cet animal-là protège les troupeaux mais culbute les bergères. Ainsi va l’animal fantastique au musée, il envoûte autant qu’il effraie ; il protège autant qu’il est à craindre, il fascine autant qu’il terrorise.
Encore une fois nous sommes dans une physionomie assez proche de l’être humain. Quand les artistes vont vouloir se détacher des particularismes anthropomorphistes ils vont utiliser leur regards pour combiner ce qu’ils voient. Les premiers animaux fantastiques sont des croisements animaliers. Par exemple vous combinez mon Petit Poney et un pigeon et vous obtenez ceci :
Vous combinez une virago et des serpents et vous obtenez cela :
Un chien, plus un chien plus un chien, vous donne :
Un serpent, plus un serpent, plus un serpent, plus un serpent, plus un serpent, plus un serpent, plus un serpent donnera ce résultat :
Un dernier pour la route Dr Frankenstein ? Si je mélange des lasagnes, une mésange et un aigle, j’obtiens ? Un hippogriffe !
« Mais dis-donc, s’exclamera le lecteur d’Harry Potter perdu sur ce blog, tes artistes ce ne seraient pas de gros escrocs qui auraient tout piqué aux égyptiens ? Croiser un matou et une femme, ils pratiquaient et cela s’appelait un sphinx ! »
En effet folle jeunesse fougueuse, le monde en général et le monde de l’art en particulier ne perd rien, ne crée rien mais transforme tout. Alors cher lecteur de J.K. Rowling, pour que tu n’aies pas le sentiment de t’être fait flouer par ton moteur de recherche qui t’a guidé sur cette page, voici une sélection louvresque de Vert gallois, de Boutefeu chinois, de Suédois à museau court et de Magyar à pointes.

Les noces de Thétis et Pélée avec Apollon et le concert des Muses ou Le festin des dieux d’Hendrick van Balen
Je vous ai épargné les géants et autres serpents divins. Le fantastique est ici moins flagrant qu’avec la femme-papillon.
« T’es en train de nous dire que l’on ne verra pas d’animaux fantastiques au Musée du Louvre ? » Point du tout, par l’exemple je viens de te montrer plein d’animaux fantastiques. Mais si tu veux encore plus de surprise je peux te conseiller de croiser dans une salle un conservateur. Une espèce assez fantastique dans sa catégorie. Keep cool, je rigole. Mais surtout je t’ai gardé pour la fin quelques bijoux qui font alors de l’artiste autre chose qu’un simple œil qui voit et arrive à traduire la représentation de ce qu’il voit par le pinceau ou le burin. Il y a quelques artistes qui allient le génie technique avec l’imagination la plus débridée. Un bonheur d’inventivité !
Que ces artistes viennent d’un pays où le cannabis n’est pas prohibé explique certainement beaucoup de choses. Par contre, cela n’explique pas qui de l’œuf ou de la poule a chié dans la cruche en premier ? Et si vous ne me croyez pas, venez voir.
Quel œil et quelle connaissance des œuvres pour repérer tant de détails !
Lorsque mes enfants avaient 5 et 6 ans, je les ai emmenés au Louvre. Au bout de 30 minutes, ils s’ennuyaient tellement qu’ils ont souhaité voir des animaux. Et nous avons déambulé dans une multitude de salles pour en trouver. Votre site aurait été d’un grand secours.
Merci pour cette malicieuse vision des tableaux, c’est un vrai régal.
Portez-vous bien !
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Merci beaucoup, votre témoignage est très touchant.
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